Béatrice Challan-Belval et Louis Perrot sont deux jeunes chefs de mission adjoints au Liban et en Syrie de SOS Chrétiens d’Orient. Nous avons souhaité en savoir plus sur leur mission en dans ce pays et sur les perspectives d’une reprise des relations entre la France et la Syrie
L’annonce du retrait progressif de la “coalition” en Syrie ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de ce pays. Comment cela est-il ressenti sur place ?
La population syrienne, de manière générale n’aime pas trop les États-Unis et leur politique. Elle voudrait donc les voir quitter la Syrie. Quoi qu’il en soit, la situation change un peu tous les jours : La décision du retrait de la coalition n’est pas tout à fait effective. Donald Trump a annoncé qu’il se retirait puis il est revenu dessus… On ne sait pas trop, en fait, ce qu’il en est réellement. Il a dit qu’il se retirait car tout semblait terminé mais deux attentats ont encore eu lieu récemment. La population locale n’en parle donc pas trop et ne réagit pas vraiment tant que règne cette incertitude.
Pour quelles raisons SOS Chrétiens d’Orient s’est-elle investie en Syrie ?
Notre association s’y est investie juste après que la France a coupé toute relation diplomatique en Syrie. Le point de départ a été la prise de Maaloula, en septembre 2013, par Jabhat al-Nosra, rebaptisé depuis 2016 Fatah al-Cham, branche d’Al-Qaïda en Syrie. L’objectif de base était donc de proposer une aide d’urgence et de recréer un lien entre la population chrétienne de Syrie et les Français, lien de valeur historique. Et c’est le travail de SOS Chrétiens d’Orient depuis son arrivée en Syrie en décembre 2013.
Comment SOS Chrétiens d’Orient est-elle considérée par les Syriens chrétiens ou musulmans ?
En arrivant sur place nous nous sommes rendu compte que la population portait un fort sentiment nationaliste. SOS Chrétiens d’Orient aide donc aussi certaines familles musulmanes dans la pauvreté afin de ne pas tomber dans le communautarisme. L’association est ainsi très appréciée, même de la population musulmane, tout en étant appelée SOS Chrétiens d’Orient, d’autant plus qu’il y a de nombreuses autres associations qui viennent exclusivement en aide aux musulmans.
Quelles sont, selon vous, les urgences humanitaires pour ce pays ?
La réouverture de l’ambassade de France en Syrie ainsi que la suppression de l’embargo permettraient à plusieurs entreprises françaises d’aider à la reconstruction du pays ainsi qu’à de nombreuses autres associations, comme la nôtre, de travailler plus facilement et de proposer un aide plus adaptée. Plus concrètement, sur place, l’aide d’urgence est importante tant que la guerre fait rage. Mais si nous voulons que notre aide porte son fruit et aide vraiment la population syrienne à rester sur la terre de leurs ancêtres, voir permettre même le retour de ceux qui ont fui cette guerre qui a fait de nombreux ravages, la reconstruction et le redressement économique du pays sont la priorité. Les conflits semblent de plus s’apaiser. Il est donc primordial désormais de proposer des projets de développement, de reconstruction ou éducatifs sur le long terme plus que des aides temporaires qui pourraient la population trop dépendante de notre association.
Quel est le rôle des Églises sur place pour la tâche immense de reconstruction de la Syrie ?
On travaille avec de nombreuses Églises qui nous donnent des listes des personnes les plus pauvres. La relation que nous avons avec la population locale se fait souvent grâce à elles au début. Elles nous aident aussi d’un point de vue logistique.
Concrètement quels sont les besoins urgents dont ce pays a besoin pour se reconstruire ?
Le bilan des dégâts causés par la guerre est lourd. Comme cela a été dit, l’éducation, la reconstruction (logements, infrastructures, écoles, hôpitaux) et le développement économique sont autant de domaines indispensables dans lesquels SOS Chrétiens d’Orient s’est engagée à travers divers projets.
Que peuvent faire les Français pour y contribuer ?
L’aide des Français est, bien sûr, toujours indispensable. C’est grâce à leur générosité que nous avons pu apporter notre aide aux chrétiens d’Orient jusqu’à aujourd’hui. Ils peuvent donc contribuer à la reconstruction de la Syrie en faisant un don (chaque projet est référencé sur notre site internet). Devenir volontaire est bien sûr, pour ceux qui le peuvent, un excellent moyen de développer aussi notre aide humanitaire et garder le lien privilégié que nous entretenons entre chrétiens français et chrétiens syriens. Enfin, militer pour la réouverture de l’ambassade est une action dont pourraient se charger ceux qui ont déjà un pied en politique.
Propos recueillis le 21 janvier 2019