Comment concilier la juste revendication d’être membre à part entière d’une communauté nationale et la non moins juste exigence de vivre cette citoyenneté en toute sécurité? Pour beaucoup de chrétiens, notamment de la diaspora, il faudrait une zone de sécurité dans la plaine de Ninive, sous protection internationale et placée sous l’autorité du gouvernement de Bagdad. Ce qui est admis pour les Kurdes, qui disposent d’un gouvernement autonome, demeure interdit aux chrétiens…
Les chrétiens d’Irak exigent une zone de sécurité internationalement protégée pour leur permettre de redémarrer une nouvelle vie après que le régime brutal de l’EIIL [État islamique en Irak et au Levant] a failli mettre un terme à leur histoire bimillénaire.
Bien que le gouvernement irakien ait annoncé sa victoire sur le groupe terroriste en 2017, les chrétiens continuent à être ciblés et ils se retrouvent au cœur des conflits sectaires selon Zina Zina Kiryakos, présidente de l’Iraqi Christian Foundation. «Nous voulons une zone de sécurité internationalement protégée pour que les victimes du génocide puissent se reconstruite et récupérer la plaine de Ninive dans la paix et la sécurité» a déclaré Zina Kiryakos [au quotidien] The National1.
L’Irak héberge une variété de confessions chrétiennes qui illustrent la diversité ethnique et religieuse du pays. Mais les dommages causés aux enclaves chrétiennes de la plaine de Ninive, à l’est de Mossoul, lorsqu’elles ont été occupées par l’EIIL, ont été si importants qu’il est devenu difficile pour les minorités de pouvoir y vivre en paix.
Les milices mobilisées pour combattre l’EIIL, connues sous le nom de Hachd al-Chaabi2 et soutenues par l’Iran, ont, contre la volonté des chrétiens locaux, pris le contrôle des villes syriaques libérées de Qaraqosh et Bartella, et de la ville chaldéenne de Karamlech à l’est de Mossoul, a déclaré Zina Kiryakos. «Beaucoup de chrétiens qui vivaient dans la plaine de Ninive ont peur de retourner dans leurs maisons de cette zone en raison de la prise de contrôle de leurs villes par les milices chiites», a-t-elle ajouté. Ces milices tentent de contrôler la plaine de Ninive pour se faire un chemin entre le Liban et l’Iran, passant au travers de l’Irak et de la Syrie, affirme-t-elle. Les États-Unis, dont les forces militaires ont aidé les troupes irakiennes à vaincre l’EIIL, ont rejeté, ainsi que le gouvernement irakien, toute idée d’une zone de sécurité.
Les chrétiens ont également proposé que la coalition internationale menée par les États-Unis contre l’EIIL, leur fournissent un entraînement pour protéger et sécuriser leurs villes, sous l’autorité du gouvernement, mais cela leur a aussi été refusé déclare Zina Kiryakos. Elle dit que les chrétiens ont été choqués quand ils ont entendu dire en janvier par Donald Trump, le Président des États-Unis, que les troupes des États-Unis resteraient en Syrie pour protéger les Kurdes syriens et pour les aider à se créer une zone de sécurité dans le nord-est du pays. «Après avoir entendu ces nouvelles, les défenseurs des chrétiens irakiens ont crié au scandale car tous nos appels à une zone de sécurité internationalement protégée pour les chrétiens victimes de l’EIIL dans le nord de l’Irak, ont été ignorés depuis des années», a déclaré Zina Kiryakos.
Les chrétiens de Mossoul furent contraints à la fuite lorsque l’EIIL s’empara de cette ville du nord à la mi 2014 et commença à détruire des sites religieux séculaires, mettant un terme à une présence qui s’était comptée en dizaine de milliers [de chrétiens] et qui remontait aux premiers temps du christianisme.
Aujourd’hui, l’Irak compte à peine 500 000 chrétiens, selon le cardinal Louis Raphaël Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens et dirigeant de l’Église catholique chaldéenne. «À une époque, les chrétiens représentaient 20% de la population irakienne, mais leur nombre est tombé à 10% et il est désormais de 2%», a-t-il déclaré à The National en février. Le nombre des chrétiens a commencé à décliner lors de l’invasion dirigée par les États-Unis et qui a renversé le dictateur Saddam Hussein en 2003. Comme des millions d’autres Irakiens contraints à partir de chez eux quand l’EIIL prit le contrôle d’un tiers du pays, les membres de la communauté chrétienne se sont déplacés des villes et des villages du nord vers la capitale ou d’autres villes, et beaucoup se sont joints aux masses de personnes qui ont fui en Europe.
1. Quotidien de langue anglaise, indépendant mais pro-gouvernemental, publié à Abu Dhabi (Émirats arabes unis).
2. Unités de mobilisation populaire, coalition paramilitaire de milices en grande majorité chiites, formée en 2014 pendant la seconde guerre civile irakienne, fortes d’environ 110 000 combattants, armées, financées et encadrées par l’Iran.