L’évêque de Sokoto au Nigeria a admis avoir payé des rançons pour libérer des clercs, à rebours d’une position officielle des évêques du Nigeria qui refuse de payer des rançons en cas d’enlèvement de prêtres et de religieux.
“« J’ai perdu un séminariste, j’ai perdu un prêtre ; nous avons dépensé plus de 30 millions de nairas (35 800 €), que nous n’avons pas, pour sauver nos agents pastoraux des mains des kidnappeurs », a confié Mgr Matthew Kukah, évêque de Sokoto, dans le nord du Nigeria.
Dans une interview à ACI Africa le 31 octobre sur les difficultés financières que vit son diocèse, l’évêque a estimé que le manque de sécurité appauvrit l’Église au Nigeria, soulignant que dans la seule partie nord du pays, plusieurs millions de nairas (la monnaie locale) avaient été dépensés pour la libération des clercs et personnel de l’Église.
Dans le diocèse de Sokoto, « beaucoup de choses nous sont arrivées », a rappelé l’évêque. « Nos églises ont été incendiées, Deborah Emmanuel (Deborah Yakubu, une étudiante chrétienne qui a été lapidée et battue à mort par ses camarades de classe l’accusant de blasphème) a été tuée, notre cathédrale a failli être incendiée et mes prêtres ont failli être tués » a-t-il précisé.
Face à toutes ces difficultés liées à l’insécurité, Mgr Kukah estime être resté sans soutien. « Je ne me souviens pas que quelqu’un d’une région du Nigeria m’ait appelé pour me dire : Monseigneur, nous avons appris ce qui vous est arrivé. Que pouvons-nous faire, y a-t-il un moyen de vous aider, êtes-vous en sécurité ? », a-t-il déploré.
Comme le rappelle la Croix Africa, au Nigeria, l’Église catholique a officiellement toujours dit refuser de payer. « Nous, évêques du Nigeria, avons décidé à l’unanimité en conférence épiscopale et clairement indiqué que nous ne payions pas de rançons, expliquait en 2021, Mgr Ignatius Ayau Kaigama, archevêque d’Abuja. Lorsqu’un prêtre est enlevé, il indique que son Église ne paie pas de rançon ».
Aux yeux des évêques du Nigeria, « payer une rançon, c’est mettre chaque personne en danger, en faire un objet de négoce potentiel ». « Cela mettrait en danger tous les prêtres, les religieuses et collaborateurs de l’Église qui se déplacent continuellement entre les villages, sans jouir d’aucun confort, mais en étant toujours prêts à se sacrifier pour l’amour de Dieu et de son peuple, car cela encourage la criminalité et invite les ravisseurs à faire encore plus de mal », avait encore commenté Mgr Kaigama.
Selon les données de la Conférence des évêques catholiques du Nigeria sur les enlèvements et les assassinats de prêtres, de 2006 à 2023, 53 prêtres ont été enlevés, 12 attaqués et 16 tués dans le pays. En dix-sept ans donc, 81 prêtres ont été victimes d’attaques au Nigeria.