Fondé «sur les valeurs et l’éthique chrétiennes», le Scandinavian Human Rights Lawyers (Skandinaviska Människorättsjuristerna AB) entend promouvoir les libertés et les droits de l’homme en Scandinavie et en Europe.
Cette ONG dont le siège est à Uppsala, en Suède, a rendu public, le 20 mars dernier, son Report about the Asylum Processes of Religious Converts in Sweden (rapport sur les procédures d’asile pour les convertis religieux en Suède). Il s’agit d’une étude dont les découvertes sont sidérantes… Nous avons traduit, depuis la version anglaise, la présentation générale de ce travail.
Dans un monde où croît le nombre des réfugiés, celui des demandeurs d’asile en Suède a connu un pic en 2015. Cette année-là fut marquée par un point culminant de réfugiés d’origine afghane, parmi de nombreux autres.
Dans ce groupe, un nombre relativement important de ces réfugiés s’est converti au christianisme. Ceci a amené à s’interroger sur la foi, la religion et la conversion, des réalités qui sont devenues très pertinentes dans la procédure d’asile. Beaucoup d’Églises chrétiennes, dans toute la Suède, sont impliquées dans cette procédure et, dans leur engagement, elles ont pu constater les défis que les convertis demandeurs d’asile doivent affronter. C’est cette réalité qui constitue l’arrière-plan de ce rapport.
Ce rapport a quatre objectifs connexes.
• Rassembler l’information sur les cas d’asile où la raison de l’asile est la conversion.
• Faire la lumière sur les questions de religion et de conversion, d’abord et avant tout dans le contexte des procédures d’asile des convertis.
• Analyser la gestion de l’Office national des migrations sur les cas d’asile dans lesquels la conversion est un facteur pertinent. Cette analyse est divisée en trois sections : quantitative, qualitative et légale.
• Présenter des recommandations de mesures à prendre, fondées sur les constatations.
Les matériaux que l’on trouvera dans ce rapport ont été collectés auprès de 76 Églises libres1 réparties dans 64 localités sur tout le territoire de la Suède. Les matériaux sont fondés sur des documents qui concernent les procédures d’asile de 619 personnes. Ces 619 personnes sont toutes des citoyens afghans qui ont fait des demandes d’asile en Suède entre 2015 et 2018. Ces 619 personnes sont des membres baptisés des églises ci-dessus mentionnées et sont, par conséquent, considérées comme des convertis dans ce rapport.
En passant en revue les recherches actuelles sur la religion et la conversion, ce rapport montre que la religion ne peut pas être comprise uniquement comme un système d’idées. Toutes les recherches actuelles sur la religion considèrent la foi religieuse comme multidimensionnelle, et les toutes dernières décennies de recherches mettent l’accent sur les dimensions sociales et matérielles de la pratique religieuse. La conversion doit, par conséquent, être comprise, à la lumière de ces recherches, comme un processus à facettes multiples plutôt que comme le passage émotionnel ou conceptuel d’une vision du monde à une autre.
L’analyse quantitative montre que 68 % des convertis présentés dans cette étude, se sont vus refuser l’asile au motif que leur foi n’était pas jugée authentique. Dans les cas où la conversion est devenue un facteur pertinent tardif dans la procédure d’asile, le pourcentage de refus est monté à 81 %.
En outre, il est patent que la preuve de l’implication du converti dans la vie de l’église, n’a joué qu’un rôle négligeable ou nul dans la prise de décision.
Un des aspects les plus notables de cette analyse est la grande différence entre les entités comparables des matériaux. Dans deux assemblées de fidèles comparables, l’une a eu un taux de refus de 52% alors que le taux pour l’autre a été de 84%.
Une comparaison entre les bureaux de Jönköping et de Göteborg de l’Office national des migrations, montre que le premier a un taux de refus de 44% et de second de 80%. De plus, l’étude montre que la tendance politique des juges non professionnels des tribunaux de migration [instance judiciaire jugeant des appels contre les décisions de l’Office national des migrations], a un effet significatif: les juges non professionnels de tendance SD [Sverigedemokraterna, Démocrates de Suède – nationalistes et conservateurs] prononcent des refus dans 93% des cas, tandis que ceux de tendance V [Vänsterpartiet, gauche écolo-socialiste] n’ont un taux de refus que de 15%. La conclusion générale de cette étude, c’est que la procédure d’asile pour les convertis n’est pas conforme à l’État de droit.
Grâce à une analyse qualitative du contenu des dossiers de 61 cas, une comparaison a pu être faite entre les déclarations des convertis et les motifs des décisions de refus de l’Office national des migrations.
L’analyse montre qu’il n’y a pas de différence liée à un contenu structurellement identifiable au niveau d’un groupe entre les convertis qui ont reçu un refus et ceux qui ont reçu un accord.
Toutefois, l’étude indique des différences évidentes dans les motivations de l’Office des migrations, dans les cas qui se sont soldés par un accord et dans les cas qui se sont soldés par un refus.
Les différences sont attribuables à la capacité intellectuelle des convertis à réfléchir sur leur foi, ce qui a pour conséquence que c’est la capacité intellectuelle du converti et non pas sa foi qui est jugée.
L’analyse montre aussi que l’Office des migrations a une position douteuse et incohérente sur la nature publique de la foi, alors que les convertis sont supposés capables de choisir de conserver leur foi secrète et privée. L’analyse qualitative montre encore que l’appartenance des convertis à des églises locales et leur implication dans leurs activités sont considérées être d’un poids négligeable ou nul.
À la lumière de tout cela, la conclusion de l’étude est que l’Office national des migrations suédois n’a pas les compétences suffisantes pour juger des cas sur des bases scientifiques et conformément à l’État de droit.
Dans la section légale on remarque que le droit de changer de religion est un droit de l’homme fondamental comme l’est le droit à une procédure d’asile objective et conforme à l’État de droit. L’analyse montre quelles décisions de l’Office national des migrations suédois entrent souvent en opposition avec les lois en vigueur, les lois internationales et les droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme, les directives du Haut-commissaire pour les réfugiés des Nations unies et du comité des Nations unies contre la torture fournissent tous des orientations essentielles quant à l’application des conventions internationales pertinentes.
Sur la base de ces orientations, l’analyse révèle les défaillances systématiques de la pratique de l’Office des migrations suédois.
La conclusion générale de l’étude est que les décisions de l’Office des migrations concernant les cas de convertis traités dans l’étude, sont arbitraires et non conformes à l’État de droit.
La conclusion du rapport:
• L’Office des migrations suédois a une compréhension limitée de la religion et de la conversion, et elle est dépourvue de fondement scientifique.
• Les décisions de l’Office des migrations suédois manifestent des différences déraisonnables entre des entités comparables, ce qui conduit à des décisions arbitraires.
• La pratique de l’Office des migrations suédois n’est pas fondée sur une méthodologie fiable, ce qui conduit à des décisions dont les motifs sont incohérents.
• L’Office des migrations suédois ne se conforme pas suffisamment à la législation internationale et aux conventions sur les droits de l’homme, ce qui conduit à un manque de sécurité juridique.
Sur la base d’une étude complète des matériaux analysés, ce qui suit est recommandé:
• Il faut mener une recherche complémentaire sur les conditions déraisonnables et d’insécurité légale que ce rapport a signalées.
• L’Office des migrations suédois doit veiller à la compétence requise de tous ses employés qui décident sur les cas d’asile où la question de la conversion est pertinente. Il doit veiller à ce qu’aucune décision négative ne soit rendue sans avoir au préalable été vérifié par un spécialiste qualifié.
• Le département juridique de l’Office des migrations suédois devra désigner un groupe d’experts en matière de religion et de conversion, qui sera une ressource dans tous les cas où la conversion constitue un facteur pertinent.
• Les preuves écrites fournies par les convertis doivent avoir une plus grande valeur dans la procédure d’asile.
• Tant que ces changements n’auront pas été apportés, l’expulsion des convertis ou des demandeurs d’asile chez qui la conversion est un facteur pertinent, ne devra pas être effectuée.
• Quand les nouvelles directives seront mises en place,
• Tous les demandeurs d’asile chez qui un cas de conversion est un facteur pertinent, auront le droit à une nouvelle procédure.
• Les ambassades de Suède à l’étranger doivent avoir l’attribution de contacter les personnes expulsées qui ont déposé une demande d’asile sur la base d’une conversion, afin d’enquêter pour savoir les menaces ou les traitements que ces personnes ont subies, constituent des motifs de protection. Si tel est le cas, la Suède devra offrir à ces personnes une protection internationale.
1. Les frikyrkoförsamlingar (Églises libres) sont des Églises protestantes évangéliques ou charismatiques qui n’ont aucun lien avec l’Église de Suède (Svenska kyrkan) qui fut autrefois l’Église d’État mais ne l’est plus depuis 2000.