La Tribune de l’Art revient sur le massacre à la bétonneuse en cours à Blois, à l’initiative de la mairie, où sous prétexte d’attractivité l’on va construire un centre commercial derrière l’église jésuite Saint-Vincent, en bas du château – ce qui ne fera qu’accélérer la désertification commerciale de la ville, déjà notable – et où le maire a regretté que la maison du gardien du Jeu de Paume, en ruine, mais visible sur les plans du château de Blois par Jacques Androuët Du Cerceau, à la Renaissance, n’ait pas “été bombardée en 1940“.
Par ailleurs, sous prétexte d’économies cette fois la ville de Blois va raser la Poste Art Déco pour la reconstruire un peu plus loin, pour la modique somme de 1.5 millions d’euros et vendre plusieurs bâtiments patrimoniaux, dont une ancienne école de garçons et le pavillon Anne de Bretagne – construit par la reine bretonne mariée à Louis XII, qui était, lui, né à Blois, cette bâtisse compte un joli oratoire Saint-Yves, aux gouttières ornées de dragons – le premier symbole de la Bretagne – et au carrelage d’époque, même si les murs ont été défigurés voilà bien longtemps par l’installation de radiateurs.
“Ce dernier projet de cession du patrimoine municipal a été connu par les associations alors qu’il n’est pour l’instant pas public. Officieusement la mairie y aurait temporairement renoncé, mais on a appris qu’un acheteur avait pourtant visité les lieux. En réalité, la vente de l’ancien pavillon royal est bien dans les tuyaux et pourrait intervenir très bientôt“.
La mairie de Blois souhaite aussi vendre le bâtiment de la Turpinière qui lui avait été cédé pour l’euro symbolique, dont il ne reste que les murs et l’escalier à vis, et qui est l’une des deux graineteries historiques de l’abbaye de Marmoutiers. Dans les années 1990 déjà un projet de transformation en logements avait été bloqué par la DRAC.
Une mairie guère pressée de restaurer les églises
La Tribune de l’Art poursuit : “l’autre réponse de la mairie à ceux qui l’accusent de brader le patrimoine est de dire qu’il le restaure, à l’église Saint-Nicolas où un chantier en cinq phases est en cours sur le clos et le couvert, et à l’Aître Saint-Saturnin, un ancien cimetière à galeries comme il n’en existe presque plus en France qui bénéficiera bientôt de travaux de restauration [il sert de dépôt lapidaire]. Mais si l’on y regarde de plus près, on voit bien que la mairie n’y est en réalité pas pour grand chose et qu’elle n’y participe que relativement peu, et contrainte et forcée.
Pour l’église Saint-Nicolas, les désordres existent depuis fort longtemps. Cela fait près de vingt ans que la nef est protégée par des filets (ill. 19), et plus longtemps encore que la tour Nord montre des signes d’instabilité. La mairie s’était toujours refusée à y lancer des travaux, et ce n’est que devant l’urgence et la pression de la direction régionale des affaires culturelles que celle-ci a dû s’y résoudre. Des travaux auxquels d’ailleurs elle ne participe que de manière fort modeste : la deuxième tranche sur cinq, si l’on en croit l’affichage obligatoire sur le monument, vient de se terminer au mois de septembre, et le financement est le suivant : 307 625 € pour l’État, 160 000 € pour un mécène (la fondation Sisley-Ornano), et seulement 132 375 € pour la Ville, soit seulement 22 % du total. Sur toute la restauration (pour « pallier les dégradations les plus urgentes »), d’un montant total de 3 333 000 €, la ville donnera en tout sur six ans 565 000 € soit 16 % seulement de la totalité de la somme. Ce qui représente environ un tiers du coût de destruction reconstruction de la Poste. Le désintérêt de Blois pour son patrimoine tient tout entier dans ces chiffres.
Quant à l’Aître Saint-Saturnin (ill. 20 et 21), le déclic est dû à la Mission Stéphane Bern sollicitée par les associations. Là encore, même si l’on se réjouit de ce chantier de restauration à venir, la mairie n’en financera qu’une petite partie. Car ce qu’elle prévoyait pour ce lieu majeur du patrimoine blésois, c’était surtout la construction d’un immeuble de cinq étages juste derrière le cimetière (ill. 22), qui aurait dépassé la hauteur de celui-ci en le dénaturant définitivement. Fort heureusement, ce sont les associations qui se sont opposées avec succès à ce projet.
[…] Le manque de sensibilité au patrimoine de sa ville, Marc Gricourt en donne couramment moult exemples. En voulant expulser le musée d’art religieux (ou musée diocésain) de l’étage qu’il occupe dans un bâtiment municipal sans lui proposer de solution de remplacement, ou en détruisant, en 2013 et avant que les associations ne réussissent à la faire protéger, une rotonde ferroviaire (ill. 24) pourtant remarquable sous prétexte que ce n’était pas du patrimoine“.