Le long et passionnant article que nous avons traduit du Christian Post, apporte, avec beaucoup de détails, d’utiles confirmations. La première est que les Peuls islamistes sont devenus plus dangereux pour les chrétiens du Nigéria que Boko Haram. La deuxième c’est que réduire les agressions commises par les musulmans peuls contre les chrétiens, à des frictions “intercommunautaires” entre éleveurs peuls et cultivateurs chrétiens, est un mensonge de première grandeur. La troisième est qu’un génocide est en cours au Nigéria contre les chrétiens
avec la complicité des autorités gouvernementales locales et fédérales.
Cet article fourmille d’informations inédites et jamais révélées dans la presse française !
Des Nigérians de tribus majoritairement chrétiennes du pays, se sont rendus aux États-Unis cette semaine pour exposer comment leurs tribus sont désormais « sans abri» et dorment «à la belle étoile » après les récents massacres d’extrémistes peuls et des actions indésirables du gouvernement.
Deux membres de la communauté Adara, un groupe ethnique majoritairement chrétien de l’État méridional du Kaduna, ont partagé leur expérience lors d’un débat organisé par le groupe conservateur de réflexion The Heritage Foundation, où se sont également exprimés des Nigérians persécutés dans d’autres parties du pays.
Alheri Magaji, fille de l’actuel dirigeant de la chefferie Adara, a raconté à l’auditoire combien son groupe ethnique avait souffert des violentes agressions menées de la mi-février jusqu’au mois d’avril de cette année, qui ont causé 400 morts et poussé à l’exil des milliers de membres de sa communauté.
«À l’heure actuelle, ma tribu n’a pas d’existence légale», a expliqué Magaji. «Une des raisons pour lesquelles je suis ici c’est pour tenter de récupérer mon territoire. Il est ce que je suis. Il est mon identité. Il est ce qui fait que je suis qui je suis. Mon peuple est coincé. Il dort littéralement sous les étoiles à même la terre, sans maisons, sans nourriture, sans rien. Ce n’est pas pour des raisons d’aide matérielle ou combien on peut donner. C’est pour en tenir le gouvernement pour responsable».
Comme cela a été préalablement signalé, une série d’agressions commises par des Peuls ont ciblé les communautés Adara dans le gouvernement local de Kajuru, en l’espace de quelques semaines. En plus des centaines de vies perdues, d’innombrables bâtiments ont été brûlés ou détruits.
Les éleveurs peuls, dont beaucoup sont musulmans, constituent un groupe ethnique nomade qu’on trouve en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Bien que les conflits entre éleveurs peuls et cultivateurs nigérians se poursuivent depuis des décennies, Magaji et d’autres intervenants ont expliqué que les agressions lancées par les extrémistes peuls ces dernières années sont plus atroces que les conflits cultivateurs-éleveurs d’autrefois. «J’ai parlé à une femme dont des membres avaient été tranchés. Elle avait quatre petits enfants et était enceinte de neuf mois», raconte Magaji. «Les éleveurs peuls sont arrivés dans la ville de Kajuru en septembre, ils étaient 400 armés d’AK-47. Il était environ 6h30 du matin. Ils parlaient l’adara. Ils sont arrivés en chantant des chants de guerre. Ils chantaient des chants qui disaient “Les possesseurs de la terre sont là. Il est temps pour les colons de partir”. Nous avons eu des bébés de deux mois, des bébés de six mois, des enfants encore dans le ventre de leurs mères sortis de leurs ventres et massacrés comme des animaux, comme des poulets. Nous sommes ici pour implorer le gouvernement des États-Unis et le monde d’écouter notre histoire».
Alors que se déroulaient ces agressions au printemps, la tribu des Adaras se retrouva dans l’incertitude. Magaji a signalé qu’en mai dernier le gouvernement du Kaduna a voté une mesure qui a divisé la chefferie Adana et créé un émirat musulman peul à Kajuru. La communauté adara a en horreur une telle disposition. Magaji a ajouté que le chef des Adaras fut enlevé le 19 octobre de l’an passé et assassiné environ une semaine plus tard alors qu’une rançon avait été payée pour qu’il soit libéré. «C’est quand le chef est mort que le conseil des anciens de notre pays a appris que le gouverneur [avait dit] que les chrétiens adaras étaient désormais soumis à l’émirat musulman haoussa-peul», explique-t-elle. «C’est grotesque qu’une telle chose ait été promulguée sans que personne n’en ait jamais rien su. Tout d’abord, qu’un gouverneur passe ce type de loi sans que le peuple du pays en sache quoi que ce soit, est une chose illégale et injuste».
Magaji a déclaré que le conseil des anciens de sa communauté avait tenté de faire pression sur le gouvernement mais que «personne ne les a écoutés»: «Quand ils ont compris que personne ne les écouterait, ils ont porté l’affaire devant les tribunaux. Une semaine après le début de ce procès civil, mon papa et huit autres membres du conseil des anciens furent jetés en prison sans aucune explication». Magaji a précisé que le gouvernement avait imputé au conseil des anciens la mort de 66 éleveurs peuls survenue en février 2019. «Le problème que nous avons avec la déclaration que le gouverneur a faite, c’est que le 10 février 11 Adaras furent tués. Le gouvernement n’a rien dit là-dessus alors même que les chefs de la communauté avaient fait des déclarations officielles».
Magaji a déclaré qu’en avril le gouverneur du Kaduna, Nasir Ahmad el-Rufai, avait institué une commission chargée d’abolir l’identité autochtone dans l’État. Pour la communauté adara, souligne-t-elle, cela signifie que le gouvernement abolit sa chefferie et son droit à être reconnue comme autochtone dans l’État. «C’est à se demander si les Adaras ne seraient plus citoyens de l’État de Kaduna? Si vous abolissez ma chefferie et s’il n’y a plus d’Adaras, voulez-vous dire que je ne suis même plus une autochtone dans l’État de Kaduna? Si un Peul arrive il peut obtenir la citoyenneté dans l’État de Kaduna et tous les avantages afférents reconnus à un citoyen, alors que moi je n’aurais aucune aide et je ne serais pas du tout reconnue?».
Vendredi dernier [7 juin], déclare-t-elle, une autre loi a été votée qui autorise des fonctionnaires gouvernementaux à réglementer les activités des prêcheurs dans l’État de Kaduna. «C’est si incroyable que parfois je me demande si je ne rêve pas! Je ne peux même pas y croire. Ainsi, un fonctionnaire gouvernemental pourrait donc dire à un prêcheur comment il doit prêcher et ce qu’il doit dire. L’autorisation sera renouvelée tous les ans. Ce qui signifie que si vous ne dites pas ce que le gouvernement veut que vous disiez, vous perdez votre autorisation, même pour les églises. Vous n’êtes autorisé à dire à la congrégation que ce que le gouvernement veut que vous lui disiez».
Magaji craint que la tribu Adara finisse par «s’éteindre». «Le gouvernement reprend en fait tout ce qu’il veut, ajoute-t-elle. C’est un plan qui s’il n’est pas immédiatement arrêté va devenir horrible pour tout le monde au sens large. Il y a un génocide en cours. Chaque matin, quand nous nous réveillons, il y a du nouveau».
Elle précise qu’à chaque fois que quelqu’un tente de s’exprimer sur ce qui arrive à la communauté Adara, il est jeté en prison. Toutefois, ajoute-t-elle, aucun Peul extrémiste n’a encore été arrêté pour les massacres de masse de citoyens Adaras. «Alors que je m’adresse ici devant vous, sachez qu’on m’a avertie de ne pas dire un mot sinon je serai tuée. Si vous parlez de cela, on peut vous tuer, vous jeter en prison ou subir des harcèlements de la police. Mais qu’est-ce que j’ai à perdre qui m’empêcherait de parler? Des membres de ma famille sont tués chaque jour. Mon père a été bouclé pendant cent jours. Ma tribu est en train de s’éteindre. Si je reste tranquille, quel avantage en tirerai-je? Les gens qui meurent chaque jour sont aussi des êtres humains. Si j’ai une occasion d’apprendre au monde ce qui se passe dans ma ville natale, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver ne serait-ce qu’une vie».
Mercy Maisamari, fille du dirigeant de l’Adara Development Association qui fut enlevé par des éleveurs peuls puis libéré ultérieurement contre rançon, a déclaré lors de cette réunion que des filles comme elle, étaient enlevées quotidiennement. «Ils vous enlèvent, ils font de vous ce qu’ils veulent, ils vous battent, ils vous violent. Certains vous demandent : “Il est où ton Jésus? Appelle donc ton Jésus qu’il vienne te sauver”».
La violence peule a semé le désordre dans bien des États du Nigéria. Selon l’ONG International Society for Civil Liberties & the Rule of Law, pas moins de 2 400 chrétiens ont été tués probablement par des éleveurs peuls, dans l’ensemble du Nigéria en 2018.
Richard Ikiebe, président de l’International Organization for Peacebuilding and Social Justice, a expliqué qu’on lui avait signalé qu’environ 70 communautés de l’État de Plateau avaient été «éradiquées et remplacées par un peuplement» d’éleveurs peuls.
Bien que le gouvernement nigérian prétende, ainsi que d’autres groupes de défense des droits de l’homme, que la crise n’est qu’un conflit entre «cultivateurs et éleveurs», Ikiebe soutient que le conflit possède une dimension religieuse en plus de ses dimensions économique et transnationale. «Il a une confusion délibérée dans les récits qui a été utilisée avec beaucoup de succès dans l’arène internationale» explique Ikiebe, également directeur du Center for Leadership in Journalism de la Pan-Atlantic University [Lagos, Nigéria]. «On vous raconte que ces escarmouches ne concernent que les cultivateurs et les éleveurs. Je peux vous dire que ce n’est pas que ça. C’est religieux. Croyez-le bien: ce qui se passe au Nigéria c’est religieux».
Stephen Enada, directeur de l’International Committee On Nigeria [ICON], a déclaré qu’il qu’une augmentation d’agressions peules a été remarquée dans l’État de Benue entre 2014 et 2016: «L’État de Benue a été décimé et continue de l’être, mais le gouvernement demeure inactif».
Napoleon Adamu, membre de la communauté d’Agatu dans l’État de Benue, a déclaré aux participants à cette réunion que les problèmes de sa communauté ont commencé en 2013, après des années de cohabitation pacifique avec les éleveurs peuls. Il a déclaré que désormais sa communauté n’a «nul endroit pour fuire. Il a dit que de 2013 à 2016, il y avait eu environ 17 agressions menées par les extrémistes peuls, et que dans d’autres parties de l’État on en avait compté 29. «Les Peuls qui sont venus à Agatu, cette fois, ne sont pas les Peuls traditionnels que nous avions l’habitude de connaître. Nous savons que quand les Peuls viennent ils sont accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants. Mais ceux qui sont arrivés sont venus en grand nombre et bien armés. Nous savons que les Peuls ont toujours avec eux de grands couteaux et un bâton. Mais cette fois ils avaient des AK-47 que le gouvernement nigérian ne peut même pas acheter pour sa propre armée»
Adamu insiste sur le fait que les extrémistes peuls» ne s’en vont pas sans avoir tué des gens et brûlé les maisons. Ils font le choix de brûler les maisons pour que ce soit plus difficile aux habitants de revenir et de reconstruire. Une fois qu’ils ont brûlé, leur intention est de remplacer la place vide et de se l’approprier. C’est cela leur intention: s’accaparer les terres».
Selon Adamu, la plupart des habitants d’Agatu qui ont souffert de ces agressions sont désormais des sans-abri. «Ces gens sont des fermiers et des pêcheurs qui travaillent dur, mais ils n’ont plus aucun endroit où aller. Ils refusent d’être comptés au nombre des PDI [personnes déplacées internes]. Ils disent ne vouloir aller nulle part ailleurs, qu’ils préfèrent dormir sous les arbres, que cette terre est celle qui leur appartient, qu’ils ont résisté à quitter leur terre pour que d’autres se l’accaparent, que par la Grâce de Dieu ils sont toujours là, même sans abri, et que leur voix n’est pas entendue».
Exactement comme au Kaduna, le gouvernement, déclare Adamu, n’a fait aucune déclaration publique sur la situation critique de la communauté d’Agatu: «Au niveau fédéral, toutes les fonctions d’autorité ont été accaparées. Notre voix n’est plus entendue. Ce n’est pas une histoire à dormir debout. Ce sont des choses que nous avons vues et des choses que nous avons éprouvées. Puisqu’on nous en donne l’occasion, nous exprimons, en premier lieu, notre appréciation au gouvernement des États-Unis pour le soutien qu’il a accordé au Nigéria. Mais sachez, quant à votre soutien, que tous ne profitent pas de ce que vous donnez.»