Depuis 2019, l’église – désaffectée – du noviciat des Jésuites de Nancy risque le massacre à la bétonneuse. Une association de défense du patrimoine dénonce la persistance de la mairie à vouloir à tout prix bétonner le lieu, en installant des logements dans cette église.
“Fin 2018, Laurent Hénart attribue un permis de construire au promoteur France Pierre Patrimoine pour la réalisation de 19 logements qui investissement totalement l’intérieur de l’Église. « De manière subreptice. Ni la demande ni le permis n’avaient été affichés », glisse Françoise Hervé. La défenseuse du patrimoine et son association Mémoire de la ville de Charles III se saisissent d’un recours gracieux, rejeté et qui se poursuit au Tribunal administratif. Ce dernier donne raison à l’association à la fin de l’année 2019. Appel formulé par la ville de Nancy avec Laurent Hénart, maire, et le promoteur. Conjointement à la crise sanitaire, les élections municipales arrivent avec le résultat que chacun connaît. « Nous avons espéré qu’une nouvelle ère pour le patrimoine allait s’installer avec l’arrivée de Mathieu Klein à la mairie. Mais quel doux rêve ! », lâche Françoise Hervé qui elle aussi s’est frottée au scrutin de 2020, sans succès”.
En effet, “Mathieu Klein délivre un deuxième permis de construire quasi identique au premier. « Il se prévaut d’avoir obtenu du promoteur l’intégration d’un établissement recevant du public au bénéfice d’un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine et d’une Maison du secteur sauvegardée. Dont il confierait la gestion à notre association, une manière de nous faire coopérer dans l’affaire. Outre le fait qu’une telle gestion ne rentre pas dans les prérogatives d’une association mais d’un accord entre une ville et l’État, il nous a paru irrecevable d’installer un équipement destiné à révéler le patrimoine dans un lieu que l’on aurait préalablement détruit. Il n’était pas question d’être associé à un tel crime patrimonial ! Vous nous imaginez cautionner la destruction du lieu pour être à la tête d’une entité dont l’existence aurait été bancale ? Inconcevable », poursuit Françoise Hervé. L’histoire se poursuit et se ressemble : recours gracieux déposé par l’association”.
Entretemps, le promoteur et la mairie se sortent de ce nouveau imbroglio, en déposant un troisième permis : “incluant ce fameux établissement recevant du public. Un projet très légèrement ajusté puisqu’il se voit amputé de deux logements au rez-de-chaussée pour accorder davantage d’espace au Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine. « Pas de grands changements au programme. Avec une véritable architecture de lotissements, il n’y a pas d’autres mots. Le tout dans une ancienne et glorieuse église dont on se fout comme de sa première chemise », lâche Françoise Hervé”.
Le troisième permis a été accordé le 3 janvier 2022 et s’est suivi de l’émission d’un recours gracieux de la part de l’association. Réponse attendue d’ici le mois de mai. « N’oublions pas dans tout cela la manipulation du plan de sauvegarde par la précédente majorité. L’ancien plan protégeait explicitement les lieux, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui, je le rappelle. Une partie des éléments de protection ont été gommés mais ils nous en restent suffisamment pour pouvoir porter ce troisième permis au contentieux. Ils touchent encore et toujours aux vestiges patrimoniaux du lieu dont le rayonnement spirituel n’est pas mince. S’ils rejettent notre recours gracieux, nous irons sans hésiter au tribunal administratif », prévient Françoise Hervé, toujours déterminée.
La mairie et le promoteur déjà condamnés une fois
Entretemps, la justice condamne la municipalité et le promoteur pour le premier permis de construire : “le 19 octobre dernier, la Cour administrative d’appel rejette l’appel conjoint de la ville de Nancy et du promoteur initié dans les derniers instants du mandat précédent mais endossé par la nouvelle majorité sur l’ancien permis. « À ce sujet, la ville de Nancy et le promoteur ont été condamnés à verser chacun 1 000 euros à l’association. Si la ville s’en est acquittée très rapidement, nous n’avons toujours rien reçu de France pierres patrimoine. Franchement, je ne leur dis pas bravo ! Ils croquent à belles dents le patrimoine mais n’arrivent pas à payer leur dette de condamnation », s’indigne la défenseuse du patrimoine“.
Les élus de Nancy, d’habitude diserts, se sont fendus, en réponse aux questions de la Semaine, d’un simple courrier impersonnel. On y apprend que “l’Église du Noviciat des Jésuites est un bâtiment aujourd’hui en très mauvais état, qui mérite une attention particulière. Or France Pierre Patrimoine est spécialisé dans le bâti historique. L’objectif commun de la Ville de Nancy et du promoteur est d’assurer la sauvegarde et la valorisation des vestiges de cet édifice et des décors peints qu’il recèle, dont l’état de conservation se dégrade inexorablement avec le temps“.
Plutôt que de blâmer entre les lignes les défenseurs du patrimoine, rien n’empêche la Ville et le promoteur de respecter le patrimoine bâti et l’église.