Le Voyage à Nantes est, pour faire simple, à la fois une biennale d’art contemporain qui parsème Nantes et son agglomération d’oeuvres d’art contemporain le temps d’un été ou durables, et le nom de la structure para-municipale qui gère une grande partie de la politique touristique et culturelle de Nantes, ce à grands renforts d’argent du contribuable et parfois sans toujours vraiment respecter la loi – ce qui intéresse, depuis peu, la justice.
Par ailleurs, cet hiver, le jour de l’Immaculée Conception la ville de Nantes a tenté d’organiser le concert d’une organiste sataniste dans l’église affectée à la messe tridentine, avec le soutien de l’évêque Mgr Percerou, puis de le déplacer dans une autre église en annonçant aux fidèles qu’il était annulé – avant que les fidèles, finalement, ne se mobilisent et n’empêchent le concert profanatoire de se dérouler.
Le prix du plat de lentilles n’a pas tardé à être connu – le diocèse a pu vendre 400.000 euros à la ville une “église polyvalente” inadaptée, symbole des espoirs brisés du Concile, dont il cherchait à se débarrasser depuis plus de vingt ans.
Pour ce Voyage à Nantes édition 2022, la Ville de Nantes, toujours avec le soutien du diocèse, a gratifié les nantais et les visiteurs d’un peuple de figures sombres posé sur une étoile noire juste devant l’église Saint-Nicolas. Il s’agit de l’oeuvre d’Hélène Delprat, le théâtre des opérations. Aux paroissiens notamment qui brocardaient ces figures menaçantes, il fut expliqué, l’air un peu condescendant, que l’artiste s’était inspirée des gargouilles et avait reproduit le bestiaire médiéval sur la placette devant l’église.
Néanmoins, il suffit de lire la présentation de l’oeuvre dans le livret du Voyage à Nantes, où le chef des gargouilles, avec ses cornes et son bâton, que d’aucuns appellent un “bourdon de pélerin”, et qui ressemble quand même un peu à un diable, a été choisi comme symbole du Voyage à Nantes cette année : “des personnages sans nom s’échappent d’un jugement dernier en éclatant de rire. Un maire de cérémonie-loup et sa canne ouvrent un bal où animaux, humains et hybrides ne savent que faire […] Ces personnages gesticulent et paradent dans une sorte de dernier défilé désarticulé et agité tout droit échappé d’une danse macabre“.
Autre oeuvre qui interroge : la roue de Charon, de l’artiste américain Peter Hudson, dont Nantes est la première étape d’une exposition itinérante à travers l’Europe. Il s’agit d’une roue en forme d’oeil, avec un socle triangulaire – ce qui forme un triangle autour de la roue, renvoi au symbole déiste et maçonnique de l’oeil de la providence – autour de laquelle s’agitent et pendent vingt squelettes.
Pour le coup, la dimension diabolique est parfaitement assumée – après Nantes, un passage à Londres, puis Paris en juillet 2023, la roue de Charon revient au “festival des musiques extrêmes”, notamment métal et sataniques, Hellfest, à Clisson, aux confins de la Bretagne, des Mauges angevines et de la Vendée.