Dans l’état failli de Haïti, l’église catholique est ciblée par la violence des gangs :
“«L’Église en Haïti est devenue à son tour la cible de violences», confie à la fondation pontificale «Aide à l’Eglise en Détresse ACN» Sœur Marcella Catozza, missionnaire franciscaine née en 1963, en Haïti depuis 2005. La réalité des bidonvilles de la capitale Port-au-Prince a poussé Sœur Marcella à créer la clinique pédiatrique ambulatoire San Franswa (Saint François) à Waf Jérémie, un bidonville de 100’000 habitants. Deux programmes d’aide aux enfants malnutris y ont été développés: Una speranza per Job, destiné aux enfants de six mois à cinq ans en situation de malnutrition grave, et Donna non piangere, destiné aux enfants de six mois seulement, les enfants de femmes atteintes du SIDA qui ne peuvent pas allaiter leur bébé.
La situation s’est aggravée depuis juin, avec des attaques contre des églises et des institutions, dénonce la religieuse italienne. Le poste de président étant vacant depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, et en l’absence d’une date pour de nouvelles élections, la lutte pour gouverner le pays et le manque de leadership ont déclenché des manifestations, le chaos et une violence extrême dans les rues, dans ce pays en proie à la pauvreté et aux catastrophes naturelles.
«La lutte est assez horrible. Et celui qui souffre le plus, c’est le peuple. La ville est aux mains des gangs. Les gens ont faim. Les écoles sont fermées. Il n’y a pas de travail. Les hôpitaux ont portes closes parce qu’ils n’ont plus d’essence ni de diesel pour les générateurs de courant. Il est impossible de vivre dans ces conditions», martèle Sœur Marcella. Cependant, pour la religieuse franciscaine, le plus douloureux est l’indifférence du monde: «Le pire, c’est que personne ne parle de nous. Personne ne sait ce qui se passe, les gens ne se soucient pas de ce que nous vivons dans ce pays !».
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Le 25 juin 2022, la religieuse italienne Luisa dell’ Orto, petite sœur de l’Évangile de Charles de Foucauld, qui était en Haïti depuis 20 ans, a été assassinée. «Elle était plus qu’une amie pour moi. Quand on m’a annoncé la nouvelle, la douleur de cette terrible perte m’a fait tomber à genoux», se souvient-elle. «On ne sait pas encore pourquoi elle a été tuée. Au début, on nous a dit que c’était un vol, mais je suis convaincue que quelqu’un a payé pour qu’elle soit tuée dans la rue…»
Deux semaines plus tard, la cathédrale de la capitale haïtienne a été attaquée. «Ils ont mis le feu à la cathédrale et ont essayé de tuer les pompiers qui venaient éteindre les flammes. Puis avec un camion, ils ont essayé de détruire les murs de la cathédrale», explique la religieuse de la Fraternité missionnaire franciscaine. «Il y a environ un mois, on a mis le feu à la chapelle de notre mission. Tout a été incendié. Nous n’avons plus d’autel, de bancs… il n’y a plus rien. Le Saint-Sacrement est à l’abri, car par mesure de sécurité, quand je pars je le place dans un autre endroit plus sûr.
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Toutefois, des agressions et attaques d’édifices religieux et d’organisations religieuses ont eu lieu non seulement dans la capitale, mais aussi dans d’autres parties du pays. «A Port-de-Paix ou aux Cayes et dans d’autres villes du pays, les gangs ont attaqué les bâtiments de la Caritas, emportant tout ce qu’il y avait, toute l’aide humanitaire qui arrive, et détruisant les bureaux de ses employés».
Les conditions dans lesquelles vit la religieuse sont extrêmement difficiles. Son quartier est né il y a 20 ans sur la décharge de la capitale, et aujourd’hui, plus de 100’000 personnes y vivent dans des cabanes en zinc, sans eau ni électricité. «Depuis un an maintenant, je ne peux pas sortir pour aller à la messe le matin, parce que les groupes ferment le quartier et qu’on ne peut ni entrer ni sortir. Donc je ne peux même pas aller à la messe. C’est une douleur, une douleur énorme», répète la religieuse”.