Construit en 1949, le mémorial du souvenir à la Chapelle des Buis, avec sa vierge et sa crypte, veille sur les hauteurs de Besançon et commémore la Libération – il appartient à l’Association Diocésaine. Fin juillet dernier, dans la nuit du 29 au 30 juillet des vandales équipés de moyens de levage ont occasionné d’importantes dégradations en déplaçant des pierres de plusieurs centaines de kilos sur le site.
“Ça m’a fait un choc, souffle le prêtre [le frère Nicolas, chargé d’ouvrir la crypte le matin], en observant les dégâts. Hier, quand je suis venu refermer la porte, tout était normal. » Dans la nuit de jeudi à vendredi, des individus se sont rendus sur les lieux et ont abîmé le monument. Comment ont-ils pu déplacer des pierres pesant plusieurs centaines de kilos ? Mystère. « Ça ne peut pas être une voiture, elle serait forcément cassée. Ni une masse, pour moi ce sont des roches trop lourdes. Je ne vois qu’un engin de chantier pour occasionner ce vandalisme ».
Dans le quartier, personne n’a rien entendu. Les premières maisons se situent à plusieurs centaines de mètres en contrebas et le prêtre comme les riverains ont désormais pris l’habitude de dormir avec les fenêtres fermées. « La nuit, des personnes se retrouvent au point de vue à n’importe quelle heure. On a du trafic de drogue et des rodéos avec des conducteurs qui circulent à vive allure. Ici, les gens ont peur. Ils en ont marre de toutes ces incivilités. Mais on pensait que le monument était préservé, qu’il y avait un respect du lieu. Mais il faut croire que non”.
Les riverains et les franciscains présents en journée sur place ont déjà constaté depuis des années qu’une autre population, indifférente à la vocation mémorielle du lieu voire hostile, investit les lieux la nuit pour faire la fête, laisse des monceaux d’ordures – au point que la Ville organise une autre tournée de ramassage des poubelles en semaine – et commet régulièrement des actes de vandalisme.
“Alain, riverain, raconte : « La nuit, c’est un autre public, des gens qui consomment de l’alcool, de la drogue certainement… la musique à fond. Pour les riverains, ça devient de plus en plus compliqué. C’est récent, depuis 3 ou 4 ans. Après le premier confinement dû au Covid, ça a pris de l’ampleur et maintenant, ça ne s’arrête pas. L’été, c’est tous les soirs, toutes les nuits. On a déjà vu 15 ou 20 voitures. Ils viennent faire la fête ici, font des rodéos avec les motos ou les autos… »
La journée des Franciscains, ils sont trois à résider ici, commence chaque jour par le ramassage des ordures. Le Frère Nicolas fait le constat : « On récupère tous les matins plusieurs sacs poubelle de détritus. Comment peut-on souiller un lieu pareil ? Je ne comprends pas ! »
Néanmoins malgré de nombreux appels à l’aide des riverains et des franciscains, la situation est restée inchangée, les fêtards fêtaient, et les autorités regardaient ailleurs. Jusqu’à fin juillet 2021.
Suite à ces dégradations, Joseph Pinard, ancien député et président de l’association des Amis du monument, et Claude Gonin, ancien économe diocésain, ont pris leur plume pour demander dans une lettre ouverte des mesures de protection du mémorial face aux vandalismes.
« Ce monument, propriété de l’association diocésaine de Besançon, a fait l’objet d’importants travaux de rénovation et de mise en valeur, dont résulte l’ensemble immobilier tel que nous le connaissons aujourd’hui, inauguré le 11 septembre 2011. L’association des Amis du Monument de la Libération avait été constituée dans cet objectif. Elle avait recueilli l’argent de plus de 900 donateurs, qui ont ainsi contribué au financement des travaux.
Avaient également pris part à cet élan de générosité, orchestré par la fondation du patrimoine, trente-huit communes, la Communauté d’agglomération du Grand Besançon, la Région de Franche-Comté, les Départements du Doubs, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort. La Ville de Besançon avait accepté d’aménager le parking et de dégager la vue sur la ville. Enfin, l’État avait permis à l’association de bénéficier de l’exonération de la TVA sur les travaux effectués.
La Chapelle des Buis n’est pas seulement un lieu de culte ou un site touristique. C’est aussi un monument symbolique érigé en souvenir de la Libération de Besançon. Ceux qui le dégradent aujourd’hui portent atteinte au souvenir des 5 500 victimes de la Seconde Guerre mondiale, civiles ou militaires, toutes placées sur un pied d’égalité sans distinction de races ou de convictions et dont les noms sont gravés sur les murs de la crypte.
Espérons que nos élus prendront conscience de la nécessité de protéger ce lieu de telle sorte que les efforts déployés pour sa réhabilitation n’aient pas été réalisés en vain. Les Franciscains ne peuvent, à eux seuls, assurer l’animation spirituelle et la garde de ce site »
Source : l’Est Républicain